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Salvator Mundi du Bernin

Salvator Mundi – Bernini

Cyprien Menant, élève de Terminale qui était à Rome cette Semaine Sainte, présente une œuvre d’art.

Au hasard d’une prière au Saint Sacrement à la basilique de Saint-Sébastien-hors-les-Murs, privilège romain par excellence, on peut rencontrer des merveilles de l’art baroque. Le buste Salvator Mundi du Bernin, caché dans une niche au fond de l’église, n’attire pas l’attention. Il est pourtant le chef-d’œuvre de l’endroit. Disparu pendant des siècles et redécouvert en 2001, c’est la dernière œuvre du Bernin en 1679, alors octogénaire. 

Le sculpteur a pris le parti de représenter le Christ dans un buste d’apparat à mi-corps. Il est absolument semblable aux bustes de rois qu’il fit, en particulier de Louis XIV. Rien ne semble différencier la gloire terrestre et militaire des puissants de celle du Christ triomphant. Dans un léger mouvement de tête, le Christ affirme sa puissance et sa magnanimité. Sa main droite esquisse un geste de bénédiction. La torsion entre le regard et la main en sens opposés anime la sculpture. Les proportions plus grandes que nature et la tête trop haute sur un cou trop long insistent sur la majesté du Christ. La stabilité et le caractère imposant de la statue répondent à son abondance de détails. Le Bernin ne refuse pas même le faste vestimentaire au Christ en le parant d’une épaisse étoffe, qui, dans le mouvement et les plis, compose un savant drapé. 

Le Christ se donne à voir dans un parfait triangle, l’inscrivant dans une représentation du mystère de la Trinité. La divinité du Sauveur ne saute pourtant pas aux yeux. La double nature du Christ est mise en tension. C’est un très bel homme que la chevelure et la barbe ornent de bouclettes, de volutes. La finesse des traits du visage, les pommettes rehaussées accordent un équilibre exceptionnel à cette tête. La virtuosité du travail des volumes, des creux et des contrastes magnifie ce buste. Dans cette œuvre, l’artiste exprime un idéal de beauté, un modèle absolu au paroxysme du raffinement, dans l’apparence qui traduit l’intériorité. L’artiste a même affranchi son salvator mundi de l’orbe associée à sa représentation traditionnelle. Le bras gauche disparaît. Dans cette incarnation réellement charnelle où l’humanité prend le dessus sur la divinité du Christ, le Bernin défend la contre-réforme de l’Eglise.

Au sommet de son art et de sa gloire, le Bernin, qui peine à manier le burin, tient à se mettre au service d’un souverain, du Souverain. Il clôt sa révolution artistique avec lui en œuvrant à lui donner réalité ici-bas. Au crépuscule de sa vie, cette œuvre testamentaire offre un message d’espérance et de rachat : le Bernin se voit déjà dans le royaume du roi qu’il sculpte, dans son séjour de gloire. Entre le ciel et la terre, le Christ sauve le monde, tout en gouvernant les cieux. Nous voilà sous sa protection.